Tradotto per "La Repubblica" (7-10-2007)

Antipolitique et politique à l'italienne

de Marc Lazar

Antipolitica e politica all'italiana

di Marc Lazar

 

Une fois de plus, une vague de dénonciation, de rejet et de contestation de la politique déferle sur l’Italie. Dénonciation ? En atteste le triomphe du livre de Sergio Rizzo et Gian Antonio Stella qui détaillent les multiples privilèges dont jouissent les membres de « la caste ». Rejet ? Il suffit de voir les records d’impopularité du gouvernement et l’accroissement de la méfiance à l’égard de la plupart des institutions et des responsables politiques qu’enregistrent les sondages. La contestation ? Elle est maintenant portée par Beppe Grillo qui écrit ainsi une nouvelle page, dérisoire et parodique, de la tradition italienne d’opposition systématique au pouvoir en place. Grillo suscite l’adhésion de nombre d’Italiens, principalement de gauche comme l’ont démontré diverses enquêtes d’opinion, qui aspirent à un grand balayage. Il est dans la nature même de la démocratie de nourrir en permanence une rancœur à son encontre, notamment de la part de ceux qui estiment que les principes d’égalité et de représentation auxquels elle se réfère ne sont pas vraiment appliqués. Pourtant, dans le cas italien, l’observateur étranger est quelque peu étonné de la virulence et de l’âpreté de l’actuelle passion antipolitique. Et de s’interroger : la démocratie italienne est-elle donc entièrement à vouer aux gémonies ? Son existence est-elle menacée?

Ce n’est pas la première fois que de pareilles questions se posent. Depuis son Unité, l’Italie connaît des poussées d’antipolitique et de populisme. Dans son histoire récente, au moins trois épisodes, de nature différente, en témoignent. Dans les années de l’immédiat après-guerre, le mouvement de l’Uomo qualunque fustigeait la démocratie, l’Etat et sa fiscalité. Dans les années 60-70, les critiques virulentes, au contenu opposé, de l’extrême gauche et de l’extrême droite contre « le système » ont basculé dans une violence durable et intense. Au tournant des années 90, la partitocratie de la première République a été emportée par un véritable séisme dont Silvio Berlusconi, profitera pour s’imposer comme un acteur politique jouant de l’antipolitique.

La récurrence de ces fièvres s’explique par trois principaux facteurs : la faible efficacité du pouvoir exécutif, les accusations permanentes et réciproques que se portent majorité et opposition quant à leur nature démocratique, les relations distantes et tendues qui se sont tissées depuis longtemps entre les élites et le peuple. Ces traits structurels de la politique italienne jouent encore aujourd’hui. S’y ajoutent d’autres éléments qui exacerbent le malaise. Les alternances répétées depuis 1994 ont approfondi les fractures du pays autour des deux pôles de centre-droit et de centre-gauche qui campent fermement sur leurs positions. Les gouvernements successifs n’ont pas réalisé les réformes très attendues, notamment pour les institutions et la loi électorale. La classe politique est fragmentée à l’extrême, ossifiée, oligarchique et gérontocratique. Enfin, Romano Prodi a déçu. Ses électeurs voulaient être associés aux décisions, espéraient que la page « berlusconienne » soit vite tournée et s’attendaient à ce qu’un vent réformateur souffle sur le pays. Las ! Le gouvernement pléthorique a été aussitôt verrouillé par les partis, sa stratégie manque de tranchant, son projet est nébuleux, sa majorité fragile, profondément divisée, toujours au bord de la crise de nerfs, l’intégrité de certains de ses membres suspecte, sa compétence pas toujours éclatante, sa communication désastreuse.

Plus profondément, la crise présente résulte également de l’émergence de la démocratie d’opinion qui bouleverse l’Italie depuis plus d’une décennie avec plus de vigueur qu’ailleurs. Elle se marque par le déclin des partis traditionnels, le rôle central de la télévision et des médias, la personnalisation accrue de la vie politique, le surgissement de leaders qui jouent surtout de la séduction. Lorsque ces derniers recourent à des formules simplistes pour aborder des questions complexes, s’évertuent à contourner les circuits de délibération, prônent la démocratie directe ou prétendent incarner le peuple, ils alimentent plus ou moins sciemment l’antipolitique.

L’heure est donc grave et nul ne saurait le contester. Est-ce à dire, comme le suggèrent tant de commentateurs, que la démocratie est en péril? Au vrai, tout est en suspens. En réaction à la démocratie d’opinion, la démocratie représentative s’est efforcée de se renouveler, ce qu’il faut signaler d’autant plus que les Italiens ne s’en rendent pas toujours compte Les présidents de la République, Ciampi hier, Napolitano aujourd’hui, tempèrent les ardeurs, rappellent les règles du jeu, célèbrent les vertus de la Constitution. De son côté, l’exécutif ne reste pas inerte. A l’inverse, malgré les profondes déchirures de sa majorité parlementaire et l’hostilité d’une large partie de l’opinion, il s’évertue à assainir les finances publiques, engager des libéralisations, aider les plus démunis, replacer le pays dans le jeu diplomatique. Cela ne signifie pas, loin de là, que son action soit exemplaire : ainsi, le retard qu’accumule l’Italie en matière d’enseignement et de recherche devient dramatique. Par ailleurs, si nombre d’Italiens succombent aux charmes de l’antipolitique, d’autres, au contraire, expriment avec force un intérêt pour la politique, une volonté d’intervention dans la chose publique, une exigence d’honnêteté, une détermination à revigorer la démocratie. Cet appétit de démocratie participative et cette aspiration rénovatrice se heurtent à la surdité et à l’autisme de la plupart des partis. Toutefois, certains d’entre eux cherchent, non sans difficultés et erreurs, à s’adapter. Le scrutin du 14 octobre pour la formation du Parti démocratique s’avère une initiative originale et intéressante, non seulement en Italie mais en Europe. Le futur parti déclare vouloir bouleverser les lignes traditionnelles de la gauche et répondre aux attentes des citoyens. Reste à voir s’il sera en mesure de le faire alors que les modalités d’organisation des primaires ont immédiatement bridé l’entreprise de rénovation, qu’il semble s’enliser dans des querelles internes, que le flou le plus complet entoure ses intentions et qu’il est déjà quasi paralysé par les habituelles luttes pour la répartition des postes démultipliées en l’occurrence par le processus de fusion de deux bureaucraties, celle des DS et celle de la Marguerite.

Or le temps presse. En effet, une véritable course de vitesse est désormais engagée entre les démagogues qui embouchent les trompettes de l’antipolitique et les artisans d’une profonde régénération de la politique afin de déterminer l’avenir de la démocratie italienne. Pour une large part, le sort de l’Italie dépendra de son issue.

 

Ancora una volta, un’ondata di denuncia, di rigetto e di contestazione della politica si abbatte sull’Italia. Denuncia? Lo attesta il grande successo del libro di Sergio Rizzo e Gian Antonio Stella, che descrive in dettaglio i tanti privilegi di cui godono i membri della «casta». Rigetto? Basta guardare i record di impopolarità del governo e l’aumento della sfiducia, registrata dai sondaggi, nei confronti della maggior parte delle istituzioni e dei responsabili politici. La contestazione? In questo momento, a farsene portavoce è Beppe Grillo, che scrive così una nuova pagina, derisoria e parodistica, della tradizione italiana di opposizione sistematica al potere in carica. Grillo suscita l’adesione di molti italiani, principalmente di sinistra, come diversi sondaggi d’opinione hanno dimostrato, che aspirano a un grande repulisti. È nella natura stessa della democrazia alimentare in permanenza un rancore contro se stessa, in particolare da parte di coloro che sono convinti che i principi di uguaglianza e rappresentanza a cui essa fa riferimento non vengano veramente applicati. Nel caso italiano, tuttavia, l’osservatore straniero rimane un po’ sconcertato dalla virulenza e dall’asprezza dell’attuale passione antipolitica. E si interroga: la democrazia italiana è dunque da mettere alla gogna nella sua interezza? La sua esistenza è minacciata?

Non è la prima volta che interrogativi simili salgono all’ordine del giorno. Fin dall’epoca dell’Unità, l’Italia sperimenta ondate di antipolitica e di populismo. Nella sua storia recente, almeno tre episodi, di differente natura, lo testimoniano. Negli anni dell’immediato dopoguerra, il movimento dell’Uomo qualunque fustigava la democrazia, lo Stato e il suo sistema fiscale. Negli anni 60-70, le critiche virulente, di opposto contenuto, dell’estrema sinistra e dell’estrema destra contro «il sistema» precipitarono in una violenza intensa e prolungata. All’inizio degli anni 90, la partitocrazia della Prima Repubblica fu travolta da un vero e proprio terremoto di cui ha approfittato Silvio Berlusconi per imporsi come attore politico ammiccante all’antipolitica.

La ricorrenza di questi accessi di febbre si spiega attraverso tre fattori principali: la scarsa efficacia del potere esecutivo, le accuse permanenti e reciproche che si scagliano maggioranza e opposizione riguardo alla rispettiva affidabilità democratica, i rapporti tesi e distanti intrecciatisi da lungo tempo fra le élites e il popolo. Tratti strutturali della politica italiana che fanno sentire il loro peso anche oggi. Altri elementi vi si aggiungono a esacerbare il malessere. Le ripetute alternanze al potere, dal 1994 in poi, hanno approfondito le fratture del Paese intorno ai due poli di centrodestra e di centrosinistra, fermamente accampati sulle loro posizioni. I governi successivi non hanno realizzato le riforme tanto attese, in particolare per le istituzioni e per la legge elettorale. La classe politica è frammentata fino all’estremo, ossificata, oligarchica e gerontocratica. E, infine, Romano Prodi ha deluso. I suoi elettori volevano essere associati alle decisioni, speravano che la pagina berlusconiana venisse girata in fretta e si aspettavano di veder soffiare sul Paese un vento riformatore. Ahimè! Il pletorico esecutivo è stato subito messo sotto chiave dai partiti, la sua strategia manca di incisività, il suo progetto è nebuloso, la sua maggioranza fragile, profondamente divisa, sempre sull’orlo della crisi di nervi, l’integrità di alcuni dei suoi membri sospetta, la sua competenza non sempre entusiasmante, la sua capacità di comunicazione disastrosa.

Andando a scavare più a fondo, la crisi attuale è anche il risultato dell’avvento della democrazia d’opinione, che da oltre un decennio sballotta l’Italia con più vigore che altrove. I suoi tratti distintivi sono il declino dei partiti tradizionali, il ruolo centrale della televisione e dei media, la personalizzazione più accentuata della vita politica, l’emergere di leader che giocano soprattutto sulla seduzione. Quando questi ultimi ricorrono a formule semplicistiche per abbordare questioni complesse, si danno da fare per aggirare i circuiti deliberativi, propugnano la democrazia diretta o pretendono di incarnare il popolo, stanno alimentando, più o meno consapevolmente, l’antipolitica.

 

L’ora, dunque, è difficile, e nessuno potrebbe contestarlo. Questo vuol dire, come suggeriscono tanti commentatori, che la democrazia è in pericolo? A dire il vero, tutto è sospeso. Per reagire alla democrazia d’opinione, la democrazia rappresentativa si è sforzata di rinnovarsi, cosa che tanto più vale la pena di segnalare dal momento che gli italiani non sempre se ne rendono conto. I presidenti della Repubblica, ieri Ciampi e oggi Napolitano, temperano gli ardori, ricordano le regole del gioco, celebrano le virtù della Costituzione. Da parte sua, l’esecutivo non rimane inerte. Anzi, malgrado le profonde lacerazioni della sua maggioranza parlamentare e l’ostilità di una gran parte dell’opinione pubblica, si impegna per risanare le finanze pubbliche, intraprendere liberalizzazioni, aiutare i più deboli, riposizionare il Paese nel gioco diplomatico. Ciò non significa che la sua azione sia esemplare, tutt’altro: il ritardo che sta accumulando l’Italia sul piano dell’insegnamento e della ricerca diventa drammatico. D’altronde, se molti italiani cedono al fascino dell’antipolitica, altri, al contrario, esprimono con forza un interesse per la politica, una volontà di intervento nella cosa pubblica, un’esigenza di onestà, una determinazione a rinvigorire la democrazia. Questo appetito di democrazia partecipativa e questa aspirazione rinnovatrice vanno a cozzare contro la sordità e l’autismo della maggior parte dei partiti. Alcuni di essi, tuttavia, cercano, non senza errori e difficoltà, di adattarsi. Lo scrutinio del 14 ottobre per la formazione del Partito democratico è un’iniziativa originale e interessante, non solamente in Italia ma in Europa. Il futuro partito dichiara di voler rivoluzionare le linee tradizionali della sinistra e di voler rispondere alle attese dei cittadini. Resta da vedere se sarà in grado di farlo, considerando che le modalità di organizzazione delle primarie hanno immediatamente imbrigliato l’impresa di rinnovamento, che sembra impantanarsi in diatribe interne, che l’incertezza più completa circonda le sue intenzioni e che è già quasi paralizzato dalle consuete lotte per la spartizione dei posti, demoltiplicati nella fattispecie dal processo di fusione di due burocrazie, quella dei Ds e quella della Margherita.

Il tempo stringe. Anzi, ormai è in atto una vera e propria corsa a chi arriva primo, tra i demagoghi che danno fiato alle trombe dell’antipolitica e gli artigiani di una profonda rigenerazione della politica, per poter condizionare l’avvenire della democrazia italiana. La sorte dell’Italia dipenderà, in gran parte, dall’esito di questa corsa.